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Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 16.djvu/188

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fîmes tant, qu’elle ne nous surmonta point. Mais le plus heureux effet de notre résolution, fut de nous faire entendre la voix du charpentier, qui, étant un jeune homme de cœur, n’avait pas abandonné le fond du navire comme les autres. Au contraire, ayant mis son caban à la matelote sur la grande ouverture qui s’y était faite, et se tenant à deux pieds dessus pour résister à l’eau, laquelle, comme il nous dit après, de sa violence le souleva plusieurs fois, il criait en tel état de toute sa force qu’on lui portât des habillemens, des lits de coton, et autres choses, pour empêcher l’eau d’entrer pendant qu’il racoutrerait la pièce. Ne demandez pas s’il fut servi aussitôt ; et par ce moyen nous fûmes préservés.

» On continua de gouverner tantôt à l’est, tantôt à l’ouest, qui n’était pas notre chemin ; car notre pilote, qui n’entendait pas bien son métier, ne sut plus observer sa route, et nous allâmes ainsi dans l’incertitude jusqu’au tropique du cancer, où nous fûmes pendant quinze jours dans une mer herbue. Les herbes qui flottaient sur l’eau étaient si épaisses et si serrées, qu’il fallut les couper avec des coignées pour ouvrir le passage au vaisseau. Là, un autre accident faillit de nous perdre. Notre canonnier, faisant sécher de la poudre dans un pot de fer, le laissa si long-temps sur le feu qu’il rougit, et la flamme ayant pris à la poudre, donna si rapidement d’un bout à l’autre du navire, qu’elle mit le feu aux voiles et aux