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Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 16.djvu/261

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faut pas s’imaginer, sur des peintures si révoltantes, que les Brasiliens manquent de raison et de bonté. Le même voyageur, qu’on cite volontiers lorsqu’il parle de ce qu’il a vu, fait un autre récit qui mérite encore d’être rapporté en ses termes : « Une autre fois, dit-il, me trouvant avec quelques Français dans un village nommé Okarantin, à deux lieues de Cotiva, et soupant au milieu d’une place où les habitans s’étaient assemblés pour nous admirer (car, lorsqu’ils veulent faire honneur à quelqu’un, ils ne mangent jamais avec lui), nous les avions autour de nous comme autant de gardes, chacun armé d’un os de poisson long de deux ou trois pieds, et dentelé en forme de scie, moins pour attaquer ou pour se défendre que pour éloigner les enfans auxquels ils disaient dans leur langage : « Petite canaille, retirez-vous ; vous n’êtes pas dignes de paraître aux yeux de ces étrangers. » Après nous avoir laissés souper tranquillement, sans nous interrompre d’un seul mot, un vieillard, ayant observé que nous avions fait notre prière au commencement et à la fin du repas, nous dit d’un ton fort modeste : « Que signifie cet usage que je vous ai vu, d’ôter vos chapeaux sans ouvrir la bouche, tandis qu’un de vous a parlé seul ? À qui s’adressait-il ? Était-ce à vous-mêmes, qui êtes présens, ou à quelqu’un dont vous regrettez l’absence. » Je pris cette occasion pour leur donner quelque idée du christianisme. C’était à Dieu que nous avions