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Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 16.djvu/322

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retint un des pilotes dont l’intelligence et la fidélité lui devinrent fort utiles. Entre plusieurs connaissances, il tira de lui celle de divers endroits où les Espagnols venaient chercher de l’or. Elle lui servit peu, parce que l’inondation ne lui permit pas d’en faire l’expérience. Il ne la communiqua pas même à ses gens, de peur que le chagrin de manquer une si belle occasion de s’enrichir ne refroidît entièrement leur courage. Les eaux croissent avec tant de promptitude et d’impétuosité dans cette province, que le soir elles sont de la hauteur d’un homme dans des lieux où l’on passait le matin presqu’à sec ; et ces débordemens sont fort ordinaires à toutes les rivières qui se jettent dans l’Orénoque.

L’Arouaca que Raleigh avait reconnu pour pilote parut craindre que son sort ne fut d’être mangé vif. « Car telle était, dit Raleigh, l’idée que les Espagnols donnaient de ma nation à tous ces peuples ; mais il se désabusa bientôt comme tous les autres Indiens avec lesquels nous eûmes à traiter, lorsqu’il eut reconnu notre caractère et nos usages. L’effet de cette imposture retomba sur nos ennemis, dont notre humanité fit sentir plus que jamais les injustices et les violences. Aucun de mes gens ne toucha jamais aux femmes du pays, pas même du bout du doigt. À l’égard des denrées, on n’en prenait point sans avoir satisfait ceux qui venaient les offrir. Enfin, pour n’avoir rien à me reprocher, je ne quittais jamais une habi-