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Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 18.djvu/201

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suite au travers d’une prairie immense et semée de petits bois, que les Français ont nommée la prairie de la Tête de Bœuf, après y avoir trouvé une de ces têtes d’une monstrueuse grosseur. Il campa dans un très-beau lieu, qu’on appelle le Fort du Renard, parce que la nation des Renards, c’est-à-dire des Outagamis, y avait autrefois un village fortifié à la manière de ces sauvages. Le lendemain il fit encore une lieue dans la prairie, entre des mares d’eau de différentes grandeurs, qui sont les sources d’une rivière nommée Théakiki, et par corruption Kiakiki. Théak signifie loup ; et les Maningans, qu’on appelle aussi les Loups, se sont autrefois réfugiés sur cette rivière. Le canot, qu’on avait porté jusqu’ici, fut mis sur une des sources ; et les jours suivans on vogua du matin au soir avec la faveur du courant, qui est assez fort, et quelquefois avec celle d’un bon vent. Déjà la gelée commençait à se faire sentir ; ce qui doit paraître surprenant par les 41° 40′ de hauteur où l’on se trouvait. Les détours de la rivière faisaient faire beaucoup de chemin ; mais on avançait si peu, qu’après avoir fait dix ou douze lieues on était encore à la vue du dernier campement. Cependant elle prend peu à peu un cours plus droit, et ses bords deviennent fort, agréables à cinquante lieues de sa source. Jusque-là elle est étroite, et bordée d’arbres qui ont leurs racines dans l’eau ; mais ensuite elle forme un petit lac environné de prairies à perte de vue, où les