Aller au contenu

Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 18.djvu/249

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

jeune femme sera des jours entiers dans le travail de l’enfantement sans jeter un cri. Les moindres marques de faiblesse la feraient juger indigne d’être mère, parce qu’on ne la croirait capable de produire que des lâches. On verra que dans les supplices qui sont le fruit de leurs guerres, des prisonniers de tout âge et de tout sexe souffrent pendant plusieurs heures, et quelquefois pendant plusieurs jours, ce que le feu a de plus cuisant, et tout ce que la plus industrieuse fureur peut inventer, sans qu’il leur échappe même un soupir. Au milieu de ces tourmens, leur occupation est d’irriter leurs bourreaux par des injures et des reproches. Quelque explication qu’on veuille donner à cette insensibilité, elle suppose nécessairement un extrême courage. À la vérité, les sauvages s’y exercent toute leur vie, et ne manquent point d’y accoutumer leurs enfans dès l’âge le plus tendre. On voit de petits garçons et de jeunes filles se lier par un bras les uns aux autres, et mettre entre deux un charbon ardent, pour voir qui le secouera le premier. L’habitude du travail leur donne une autre facilité à supporter la douleur : il n’y a point d’hommes au monde qui se ménagent moins dans leurs voyages et dans leurs chasses ; mais ce qui prouve que leur constance est l’effet d’un véritable courage, c’est qu’ils ne l’ont pas tous au même degré. On ne s’étonnera point qu’avec une âme si ferme, ils soient intrépides dans le danger, et braves à toute