Aller au contenu

Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 18.djvu/268

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nous voir la même facilité à nous expliquer de bouche et par écrit.

Le P. Rasles, missionnaire, qui s’était confiné pendant dix ans dans un village d’Abenakis pour étudier leur langue avec toute l’ardeur que le zèle de la religion inspire, a représenté dans ces termes son travail et ses progrès : « Cette langue est très-difficile, surtout quand on n’a point d’autres maîtres que des sauvages. Ils ont plusieurs caractères qu’ils n’expriment que du gosier, sans faire aucun mouvement de lèvres ; ou, par exemple est de ce nombre ; et nous avons pris le parti, en l’écrivant, de le marquer par le chiffre 8, pour le distinguer des autres caractères. Je passai une partie de la journée dans leurs cabanes à les entendre parler. Il me fallait une extrême attention pour combiner ce qu’ils disaient, et pour en conjecturer la signification. Quelquefois je rencontrais juste ; le plus souvent je me trompais, parce que, n’étant point fait au manége de leurs lettres gutturales, je ne répétais que la moitié du mot ; et mon embarras les faisait rire. Enfin cinq mois dune continuelle application me firent entendre tous leurs termes ; mais ce n’était point assez pour m’exprimer dans leur goût : il me restait bien du chemin à faire pour saisir le tour et le génie de la langue, qui sont tout-à-fait différens de ceux des nôtres. Pour abréger le temps, je choisis quelques sauvages à qui j’avais reconnu de l’esprit, et qui me sem-