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Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 18.djvu/281

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nature ; mais il ne reçoit pas aisément ce qu’on lui offre, et l’usage est de ne pas recevoir des deux mains. Les jeunes gens sont appelés de bonne heure à la connaissance des affaires ; ce qui avance beaucoup leur maturité, et leur inspire une émulation qu’on ne cesse point d’entretenir.

On fait observer que le plus grand défaut de ce gouvernement est de n’avoir jamais eu de justice criminelle ; mais on ajoute que l’intérêt, principale source des désordres qui peuvent troubler la société, n’étant pas connu dans celle des sauvages, les crimes y sont rares. On leur reproche avec plus de justice la manière dont ils élèvent leurs enfans ; ils ne les châtient jamais : dans l’enfance, ils disent qu’ils n’ont point encore de raison ; et dans un âge plus avancé, ils les croient maîtres de leurs actions. Ces deux maximes sont poussées, parmi les sauvages, jusqu’à se laisser maltraiter par des ivrognes, sans même oser se défendre, dans la crainte de les blesser. « Pourquoi leur faire du mal ? disent-ils ; ils ne savent ce qu’ils font. » En un mot, ils sont convaincus que l’homme est né libre, et que nulle puissance n’a droit d’attenter à sa liberté. Ils s’imaginent aussi qu’il est indigne d’un homme de se défendre contre une femme ou contre un enfant : s’il y a quelque danger pour leur vie, ils prennent le parti de la fuite.

Un sauvage en tue-t-il un autre de sa race, s’il était ivre, comme ils feignent quelquefois