Aller au contenu

Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 18.djvu/296

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fête, tout se rend. Elle se termine par un grand festin, et tout le monde ne pense plus qu’à réparer les fâcheux effets d’une si violente mascarade ; ce qui demande souvent beaucoup de temps et de peine. Le P. Dablon, grave jésuite, se trouva un jour engagé malgré lui dans une de ces fêtes, dont il donne la description. « Elle fut proclamée, dit-il, le 22 de février ; et les anciens, chargés de cette proclamation, la firent d’un air aussi sérieux que s’il eût été question d’une affaire d’état. À peine furent-ils retournés à leur cabane, qu’on vit partir, chacun de la sienne, hommes, femmes, enfans, presque nus, quoiqu’il fît un froid insupportable. Ils se répandirent de toutes parts, errans comme des ivrognes ou des furieux, sans savoir où ils allaient, ni ce qu’ils avaient à demander. Les uns ne poussèrent pas plus loin leur folie, et disparurent bientôt. D’autres, usant du privilége de la fête, qui autorise toutes les violences, songèrent à satisfaire leurs ressentimens particuliers. Ils brisèrent tout dans les cabanes, et chargèrent de coups ceux qu’ils haïssaient : aux uns, ils jetaient de l’eau à pleine cuvée ; ils couvraient les autres de cendre chaude ou de toutes sortes d’immondices ; ils jetaient des tisons ou des charbons allumés à la tête des premiers qu’ils rencontraient. L’unique moyen de se garantir de cette persécution était de deviner des songes, toujours insensés ou fort obscurs. »

Le missionnaire et son compagnon furent