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Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 18.djvu/295

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insensés, et à crier de toutes leurs forces qu’ils avaient aussi un animal dans l’estomac. Ils dressèrent une étuve pour l’en déloger par les sueurs. Tous y entrèrent avec les mêmes cris. Ensuite chacun se mit à contrefaire l’animal dont il feignait d’avoir l’estomac chargé, c’est-à-dire à crier, les uns comme une oie, les autres comme un canard, comme une outarde, une grenouille, etc., tandis que le malade contrefaisait aussi son oiseau ; et, pour achever cette farce, ils commencèrent tous à le battre avec une certaine mesure, dans la vue de le lasser et de l’endormir à force de coups. Cette méthode leur réussit. Il tomba dans un profond sommeil, et se réveilla guéri, sans se ressentir même de la sueur qui avait dû l’affaiblir, ni des coups dont il avait le corps tout meurtri. »

On ne sait si la religion est jamais entrée dans une fête que la plupart de ces sauvages nomment la fête des songes, et que d’autres ont nommée beaucoup mieux, dans leur langue, le renversement de la cervelle : c’est une espèce de bacchanale qui dure ordinairement quinze jours, et qui se célèbre vers la fin de l’hiver. La folie n’a point de transports qui ne soient alors permis. Chacun court de cabane en cabane, sous mille déguisemens ridicules : on brise, on renverse tout, et personne n’a la hardiesse de s’y opposer. On demande à tous ceux qu’on rencontre l’explication de son dernier rêve. Ceux qui le devinent sont obligés de donner la chose à laquelle on a rêvé : après la