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Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 18.djvu/388

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coups décisifs, il s’élève de grands cris : on croirait les joueurs hors d’eux-mêmes, et les spectateurs ne sont guère plus tranquilles. Les uns et les autres font mille contorsions, parlent aux osselets, chargent d’imprécations les génies de la partie adverse, et tout le village retentit d’affreux hurlemens. Si la chance n’en devient pas plus heureuse, les perdans peuvent remettre la partie au lendemain, il ne leur en coûte qu’un petit festin pour les assistans. On se prépare dans l’intervalle à retourner au combat. Chacun invoque son génie, et prodigue le tabac à son honneur : on lui demande surtout d’heureux songes. Dès la pointe du jour on se remet au jeu ; mais s’il tombe dans l’esprit aux perdans que ce soient les meubles de leur cabane qui leur aient porté malheur, ils commencent par les changer tous. Les grandes parties durent ordinairement cinq ou six jours, et souvent la nuit ne les interrompt pas.

Ces parties de jeu se font quelquefois à la prière d’un malade ou par l’ordonnance d’un médecin : il ne faut qu’un rêve de l’un ou de l’autre. Alors les parens s’assemblent pendant plusieurs nuits, pour s’essayer, et pour choisir la plus heureuse main. On consulte son génie, on jeûne, les personnes mariées gardent la continence, le tout pour obtenir un heureux songe. Le matin on raconte ce qu’on croit avoir vu pendant la nuit, et celui qu’on juge favorisé par son génie est placé près du joueur.