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Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 18.djvu/424

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l’objet présent, le même voyageur ajoute que les maux qu’ils ressentent de l’ivrognerie n’ont pas encore tourné en habitude. « Ce sont, dit-il, des orages qui passent, et dont la bonté de leur caractère, jointe au fond de tranquillité d’âme qu’ils ont reçue de la nature, leur ôte presque le souvenir aussitôt qu’ils sont passés. »

Il représente fort vivement l’effet de l’eau-de-vie sur ces peuples. Dans son voyage sur la rivière de Saint-Joseph, il vit arriver, avec une grosse quantité de cette liqueur, les députés des Miamis et des Pouteouatamis, deux nations établies sur cette rivière, qui revenaient de vendre leurs pelleteries aux colonies anglaises. « Le partage de l’eau-de-vie se fit à la manière ordinaire, c’est-à-dire que chaque jour on en distribuait autant qu’il en fallait à chacun pour s’enivrer, et tout fut bu en moins de huit jours. On commençait à boire dans les deux villages dès que le soleil était couché, et toutes les nuits la campagne retentissait de cris et d’horribles hurlemens. On eût dit qu’une escouade de démons s’était échappée de l’enfer, ou que les deux bourgades étaient acharnées à s’entr’égorger ; plusieurs hommes furent estropiés. J’en rencontrai un qui s’était cassé le bras en tombant, et je lui dis que sans doute il serait plus sage une autre fois ; il me répondit que cet accident n’était rien, qu’il serait bientôt guéri et qu’il recommencerait à boire aussitôt qu’il aurait de l’eau-de-vie. Qu’on juge, ajoute le pieux observateur, ce qu’un mission-