Aller au contenu

Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 18.djvu/425

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

naire peut espérer au milieu de ce désordre, et ce qu’il en coûte à un honnête homme qui s’est expatrié pour gagner des âmes à Dieu, de se voir forcé d’en être témoin et de ne pouvoir y apporter de remède. Ces barbares reconnaissent eux-mêmes que l’eau-de-vie les mine et les détruit ; mais lorsqu’on veut leur persuader qu’ils devraient être les premiers à demander qu’on leur retranchât une boisson si funeste, ils se contentent de répondre : C’est vous qui nous y avez accoutumés ; nous ne pouvons plus nous en passer, et si vous nous en refusez, nous en irons chercher chez les Anglais. »

À l’égard de ce qu’on a nommé leur ancien bonheur, on ne laisse pas d’avouer qu’ils mènent une vie dure ; mais on répond que sur ce point rien n’est pénible que par comparaison. La liberté dont ils sont en possession les dédommage de toutes les commodités qui leur manquent. Ils sont heureux, premièrement parce qu’ils croient l’être ; en second lieu, parce qu’ils jouissent tranquillement du plus précieux de tous les dons naturels ; enfin parce qu’ils ne désirent pas même de connaître d’autres biens. La vue de nos commodités, de nos richesses et de nos magnificences, les ont peu touchés. Quelques Iroquois qui firent le voyage de Paris en 1666, et qu’on promena non-seulement dans cette grande ville, mais dans toutes les maisons royales, n’y admirèrent rien ; ils auraient préféré leurs villages à la capitale du plus puissant royaume de l’Europe, s’ils n’y