Aller au contenu

Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 25.djvu/103

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

» Durant cette petite expédition, les ponts furent remplis de Taïtiens, et entre autres de plusieurs femmes qui se livraient aisément aux sollicitations pressantes des matelots. Quelques-unes, qui semblaient être venues à bord pour faire ce commerce, ne paraissaient pas avoir plus de neuf à dix ans, et on ne voyait en elles aucun signe de puberté. Un libertinage si prématuré doit avoir des suites funestes sur la nation en général, et je fus frappé d’abord de la petite stature de la classe inférieure du peuple, à laquelle appartiennent toutes les prostituées. Nous y avons remarqué peu d’individus au-dessus d’une taille moyenne ; un grand nombre étaient au-dessous : observation qui confirme ce que Buffon a dit si judicieusement sur l’union prématurée des deux sexes. En général, leurs traits n’avaient rien de régulier ni de distingué, si l’on en excepte les yeux, toujours grands et pleins de vivacité : mais un sourire naturel et un désir constant de plaire suppléaient tellement à la beauté, que l’amour ôtait la raison à nos matelots, et ils donnaient indiscrètement leurs chemises et leurs habits à leurs maîtresses. La simplicité d’un vêtement qui exposait à la vue un sein bien formé et des bras charmans contribuait d’ailleurs à exciter leur flamme amoureuse ; enfin le spectacle de plusieurs de ces nymphes qui toutes nues nageaient avec grâce autour de nos vaisseaux, aurait suffi seul pour détruire le peu de force qu’un marin oppose à ses passions.