Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 25.djvu/269

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

comme ils s’attendent à en être traités. Si j’ai bonne mémoire, un des argumens qu’ils firent le plus valoir à Topia, qui souvent leur adressait de sanglans reproches sur cette horrible coutume, fut qu’il n’y a pas de mal à tuer et à manger un homme qui en ferait autant ; car, disent-ils, quel mal peut-il y avoir à manger des ennemis que nous avons tués dans une bataille ? Nos ennemis ne feraient-ils pas la même chose de nous ? Je les ai souvent vus prêter une extrême attention aux discours de Topia ; mais je n’ai jamais observé qu’ils fussent satisfaits de ses argumens, ni que toute sa rhétorique en persuadât un seul de l’injustice de cet usage, et quand Oedidi et quelques autres en montrèrent de l’horreur, ils riaient de leur simplicité.

» Entre différentes raisons alléguées sur l’origine de cette effroyable coutume, on a cité le défaut de nourriture animale ; mais je ne sais pas si on peut déduire cette raison des faits et des circonstances rapportées par les voyageurs. Sur tous les points de la côte où j’ai abordé, la pêche est si abondante, que les insulaires prenaient toujours une quantité de poissons plus que suffisante pour leur consommation et pour la nôtre. Ils élèvent beaucoup de chiens ; ils savent tuer très-adroitement un grand nombre d’oiseaux sauvages. On ne peut donc alléguer ni la faim, ni le besoin d’aucune espèce d’alimens pour une des causes qui les rendent anthropophages. Mais quelle qu’en soit la rai-