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Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 25.djvu/290

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autre pour les fatigues et les peines multipliées que nous avons essuyées. Les navigateurs qui ont parcouru le grand Océan ayant nous naviguaient en dedans du tropique, ou du moins sous la zone tempérée. Ils jouissaient presque toujours d’un ciel doux et serein, et ils voyageaient à la vue des terres qui leur fournissaient des rafraîchissemens. De pareilles campagnes sont des parties de plaisir à côté des nôtres. Les objets nouveaux et attrayans soulagent l’esprit, égaient la conversation, et raniment le corps : mais au contraire les mêmes points de vue frappaient sans cesse nos regards ; la glace, la brume, les tempêtes, et la surface de la mer sans cesse agitée formaient une scène lugubre que n’égayaient jamais les rayons du soleil : enfin le climat était rigoureux, et notre nourriture détestable ; en un mot, nous végétions plutôt que nous ne vivions. II semblait que notre être se détruisait, et nous devenions indifférens à tout ce qui anime la vie en d’autres temps. Nous faisions le sacrifice de notre santé, de nos sentimens, de nos jouissances, à la gloire de faire une navigation dans des parages inconnus jusqu’alors.

» La situation des matelots était aussi affligeante que celle des officiers par un autre cause. Leur biscuit, qu’on avait trié à la Nouvelle-Zélande, cuit de nouveau, et ensuite encaissé, était aussi gâté qu’auparavant ; ce qui provenait de ce que, dans le triage, on en conserva de mauvais, et de ce que les tonneaux