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Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 5.djvu/127

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maisons longues et larges, ou plutôt autant de magasins remplis de têtes de morts. Hors de ces édifices, on avait formé de si grandes piles d’autres ossemens, qu’elles s’élevaient de plusieurs brasses au-dessus des toits. Un petit tertre qui s’élevait du côté du sud offrait une sorte de plate-forme où l’on montait par neuf degrés de fer, qui conduisaient à quatre portes. La plate-forme servait comme de piédestal à la plus haute, la plus difforme et la plus épouvantable statue que l’imagination puisse se représenter, qui était debout, mais adossée contre un donjon de forte pierre de taille. Elle était de fer fondu. Sa difformité n’empêchait point qu’on ne remarquât beaucoup de proportion dans tous ses membres, à l’exception de la tête, qui paraissait trop petite pour un si grand corps. Ce monstre soutenait sur ses deux mains une prodigieuse boule de fer. Nous demandâmes à l’ambassadeur de Tartarie l’explication d’un monument si bizarre. Il nous dit que ce personnage, dont, nous admirions la grandeur, était le gardien des ossemens de tous les hommes, et qu’au dernier jour du monde où les hommes devaient renaître, il nous rendrait à chacun les mêmes os que nous avions eus pendant notre première vie, parce que, les connaissant tous, il saurait distinguer à quels corps ils auraient appartenu : mais qu’à ceux qui ne lui rendaient pas d’honneurs, et qui ne lui faisaient pas d’aumônes sur la terre, il donnerait les os les plus pouris qu’il