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Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 5.djvu/128

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pourrait trouver, et même quelques os de moins, pour les rendre estropiés ou tortus. Après cette curieuse instruction, l’ambassadeur nous conseilla de laisser quelque aumône aux prêtres, et se fit honneur de nous en donner l’exemple. Les fables qu’il nous avait racontées excitèrent notre pitié ; mais nous eûmes plus de foi pour son témoignage lorsqu’on nous assura que les aumônes qu’on faisait à ce temple montaient chaque année à plus de deux cent mille taëls, sans y comprendre ce qui revenait des chapelles et d’autres fondations des principaux seigneurs du pays. Il ajouta que l’idole était servie par un très-grand nombre de prêtres, auxquels on faisait des présens continuels en leur demandant leurs prières pour les morts dont ils conservaient les ossemens ; que ces prêtres ne sortaient jamais de l’enclos sans la permission de leurs supérieurs, qu’ils nommaient chisangues ; qu’il ne leur était permis qu’une fois l’an de violer la chasteté à laquelle ils s’étaient engagés, et qu’il y avait aussi des femmes destinées à cet office ; mais que, hors de leurs murs, ils pouvaient se livrer sans crime à tous les plaisirs des sens.

» Nous continuâmes de descendre la rivière l’espace de quatre jours, pendant lesquels nous vîmes sur les deux bords quantité de villes et de grands bourgs. Notre premier séjour fut à Léchune, capitale de la religion tartare : on y voyait un temple somptueux accompagné