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Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 5.djvu/142

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vive. « Borralho, nous dit-il avec la même civilité, plus sérieux et plus porté par la nature aux affaires graves, entretiendrait la mélancolie du malade au lieu de la dissiper. » J’arrivai à Bungo.

» Nous trouvâmes le roi au lit. Il me dit d’un air et d’un ton fort doux : « Ton arrivée ne m’est pas moins agréable que la pluie qui tombe du ciel n’est utile à nos campagnes semées de riz. » On m’expliqua ces termes ; et leur nouveauté m’ayant causé de l’embarras, je demeurai quelques momens sans réponse. le roi, regardant les seigneurs qui étaient autour de lui, leur dit « qu’il me croyait effrayé par la vue de sa cour ; que je n’étais pas accoutumé à ce spectacle, et qu’il me fallait laisser le temps de m’apprivoiser. » Un excellent interprète que j’avais reçu du nautaquin me fit comprendre aussitôt le jugement qu’on portait de moi. Je rappelai toutes les forces de mon esprit pour citer un tas de figures asiatiques et de comparaisons où tous les animaux faisaient leur rôle, depuis l’éléphant jusqu’à la fourmi. Peut-être mon interprète y joignit-il ses propres idées : mais tous les courtisans marquèrent tant d’admiration pour cette ridicule harangue, que, battant des mains à la vue du roi, ils dirent à ce prince « qu’on n’avait jamais parlé avec une éloquence plus noble ; qu’il n’y avait pas d’apparence que je fusse un marchand dont les notions se renfermaient dans les affaires du commerce, mais