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Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 5.djvu/155

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le roi donnait une retraite dans son île, à condition d’entrer en partage du butin, nous replongea dans un horrible danger. C’était un des plus grands ennemis de notre nation, depuis un combat que les Portugais lui avaient livré au port de Laman, et dans lequel ils lui avaient brûlé deux jonques. La faveur dont il jouissait, non-seulement à la cour de Lequios, mais dans l’île entière, où ses brigandages faisaient entrer continuellement de nouvelles richesses, disposa le roi et ses sujets à recevoir les inspirations de sa haine. Aussitôt qu’il eut appris notre malheur et qu’on pensait à nous, renvoyer absous, il nous chargea des plus noires accusations. Les Portugais étaient des espions qui venaient observer les forces d’un pays sous le voile du commerce, et qui profitaient de leurs lumières pour passer tous les habitans au fil de l’épée. Ces discours répandus sans ménagement, et confirmés avec audace, firent tant d’impression sur l’esprit du roi, qu’après avoir révoqué les ordres qu’il avait déjà donnés en notre faveur, il nous condamna, sur de nouvelles instructions, au supplice des traîtres, c’est-à-dire à nous voir démembrés en quatre quartiers, qui devaient être exposés dans les places publiques. Cette sentence, qu’il porta sans nous avoir entendus, fut envoyée au broquen, avec ordre de l’exécuter dans quatre jours. Elle pénétra aussitôt jusqu’à nous, et dans la consternation d’un sort si déplorable, nous ne pensâmes qu’à nous disposer à la mort.