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Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 7.djvu/135

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me témoignait beaucoup de bienveillance, je me hasardais quelquefois à des libertés qu’il me passait, mais qui auraient mal réussi à tout autre. Un jour qu’il voulait faire châtier un de ses domestiques pour avoir oublié un mouchoir, ignorant les coutumes du pays, et étant d’ailleurs bien aise d’user de ma faveur pour rendre service à ce malheureux, je m’avisai de demander grâce pour lui. Le roi fut surpris de ma hardiesse, et se mit en colère contre moi ; Constance, qui en fut témoin, pâlit et appréhenda de me voir sévèrement punir : je ne me déconcertai point, et je dis à ce prince que le roi de France, mon maître, était charmé qu’en lui demandant grâce pour les coupables, on lui donnât occasion de faire éclater sa modération et sa clémence ; et que ses sujets, reconnaissans des grâces qu’il leur faisait, le servaient avec plus de zèle et d’affection, et étaient toujours prêts à exposer leur vie pour un prince qui se rendait si aimable par sa bonté. Le roi, charmé de ma réponse, fit grâce au coupable, disant qu’il voulait imiter le roi de France ; mais il ajouta que cette conduite, qui était bonne pour les Français naturellement généreux, serait dangereuse pour les Siamois ingrats, qui ne pouvaient être contenus que par la sévérité des châtimens. Cette aventure fit du bruit dans le royaume, et surprit les mandarins : ils comptaient que j’aurais la bouche cousue pour avoir parlé mal à propos. Constance même m’avertit en particulier d’y