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Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 7.djvu/136

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prendre garde à l’avenir, et blâma fort ma vivacité, qu’il accusa d’imprudence ; mais je lui répondis que je ne pouvais m’en repentir, puisqu’elle m’avait réussi si heureusement.

» En effet, loin de me nuire, je remarquai que depuis ce jour le roi prenait plus de plaisir à s’entretenir avec moi. Je l’amusais en lui faisant mille contes que j’accommodais à ma manière, et dont il paraissait fort satisfait. Il est vrai qu’il ne me fallait pas pour cela de grands efforts, ce prince étant grossier et fort ignorant. Un jour qu’étant à la chasse, il donnait ses ordres pour la prise d’un petit éléphant, il me demanda ce que je pensais de cet appareil. « Sire, lui répondis-je, en voyant votre majesté entouré de tout ce cortége, il me semble voir le roi mon maître à la tête de ses troupes, donnant ses ordres et disposant toutes choses dans un jour de combat. » Cette réponse lui fit plaisir ; je l’avais prévu, car je savais qu’il n’aimait rien tant que d’être comparé à Louis-le-Grand ; et en effet, cette comparaison, qui ne roulait que sur la grandeur et la pompe extérieure des deux princes, n’était pas absolument sans justesse, y ayant peu de spectacles plus superbes que les sorties du roi de Siam ; car, quoique le royaume soit pauvre et qu’on n’y voie aucun vestige de magnificence, lorsque le prince se montrait en public, il paraissait avec toute la pompe convenable à la majesté d’un grand monarque. »

Laissons achever au chevalier de Forbin une