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Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 7.djvu/174

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cun se réfugia sur l’étage le plus haut du navire, mais avec une confusion qui augmenta le danger. L’eau continuant de monter, nous vîmes le vaisseau s’enfoncer insensiblement dans la mer jusqu’à ce que, la quille ayant atteint le fond, il demeura quelque temps immobile dans cet état.

» Il serait difficile de représenter l’effroi et la consternation qui se répandirent dans tous les esprits, et qui éclatèrent par des cris, des sanglots et des hurlemens. Le bruit et le tumulte étaient si horribles, qu’on n’entendait plus le fracas du vaisseau qui se rompait en mille pièces, ni le bruit des vagues qui se brisaient sur les rochers avec une furie incroyable. Cependant, après s’être livrés à des gémissemens mutiles, ceux qui n’avaient pas encore pris le parti de se jeter à la nage pensèrent à se sauver par d’autres voies. On fit plusieurs radeaux des planches et des mâts du navire. Tous les malheureux à qui la frayeur avait fait négliger de prendre ces précautions, furent engloutis dans les flots ou écrasés par la violence des vagues, qui les précipitaient sur les rochers du rivage.

» Mes craintes furent d’abord aussi vives que celles des autres ; mais, lorsqu’on m’eut assuré qu’il y avait quelque espérance de se sauver je m’armai de résolution. J’avais deux habits assez propres, que je vêtis l’un sur l’autre ; et m’étant mis sur quelques planches liées ensemble, je m’efforçai de gagner à la nage le bord de la