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Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 7.djvu/188

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dèrent à l’espérance. On se consola un peu néanmoins sur le récit d’un matelot, qui, ayant été à la découverte une heure avant le coucher du soleil, rapporta qu’il avait trouvé à peu de distance une petite île presque couverte de moules, avec une fort bonne source d’eau douce. On se hâta de s’y rendre pour y passer la nuit ; et le lendemain on se trouva si bien du rafraîchissement qu’on s’y était procuré, qu’on prit le parti d’y demeurer tout le jour et la nuit suivante. Ce séjour nous délassa beaucoup, et l’abondance de la nourriture y remit un peu nos forces. Le soir, nous étant assemblés suivant notre coutume, un peu à l’écart des Portugais, nous fûmes surpris de voir manquer un de nos mandarins. On le chercha de tous côtés, on l’appela par des cris ; mais ces soins furent inutiles. Ses forces l’avaient abandonné en chemin. L’extrême aversion qu’il avait pour les herbes et pour les fleurs, que les autres mangeaient du moins sans dégoût, ne lui avait pas permis d’en porter même à la bouche ; il était mort de faim et de faiblesse, sans pouvoir se faire entendre et sans être aperçu de personne. Quatre jours auparavant, un autre mandarin avait eu le même sort. Il faut que la misère endurcisse beaucoup le cœur : en tout autre temps, la mort d’un ami m’eût causé une vive affliction, mais, dans cette occasion, je n’y fus presque pas sensible.

» Pendant le jour et les deux nuits que nous