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Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 7.djvu/202

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Nous tînmes conseil sur ce triste incident : on résolut de laisser dans ce lieu les plus faibles avec une partie des moules sèches qui nous restaient, en les assurant que notre premier soin, si nous avions le bonheur de trouver une habitation hollandaise, serait de leur envoyer des voitures commodes. Quelque dure que leur parût cette séparation, la nécessité les força d’y consentir. À la vérité, nous étions tous dans un misérable état ; il n’y avait pas un de nous qui n’eût le corps, surtout les cuisses et les pieds, extraordinairement enflés : mais les malheureux que nous abandonnions étaient si défigurés, qu’ils faisaient peur. Nous emportâmes un regret fort amer de quitter ces chers compagnons, dans l’incertitude de ne les revoir jamais ; mais ils ne pouvaient recevoir de nous aucun soulagement, quand nous aurions pris le parti de mourir avec eux. Après nous être dit un triste adieu, nous recommençâmes à marcher pour suivre nos guides, qui nous avaient éveillés de fort grand matin. Comme j’étais toujours un des plus diligens, je fus témoin d’un spectacle fort désagréable, auquel je ne m’arrête ici que pour faire connaître la saleté de cette barbare nation. Après avoir fait du feu pour se chauffer à la fin d’une nuit très-froide, ils prirent des charbons éteints, et, les ayant mis dans un trou qu’ils creusèrent exprès, ils urinèrent dessus, ils broyèrent tout ensemble, et s’en frottèrent long-temps le visage et tout le corps. Après cette cérémonie, ils