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Page:La Landelle - Le Dernier des flibustiers, Haton, 1884.djvu/31

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Béniowski et qui serait touchée de son misérable sort ; mais la cour de Versailles était en deuil de la noble et sainte Marie Leczinska, lorsqu’ils y arrivèrent. Le roi Louis XV, trop occupé de ses plaisirs, accorda une courte audience à la comtesse, ne prit point la peine de l’écouter et la renvoya au duc de Choiseul, son ministre de la marine, qui n’avait point pardonné au vicomte de Chaumont de lui avoir fait une vive opposition quelques années auparavant.

— Madame la comtesse, dit Richard, j’ai donné ma parole de gentilhomme de consacrer ma vie à vous rendre Maurice. Laissons-là le ministre et la cour, agissons par nous-mêmes ! Mon excellente tante vient de mourir à point pour me léguer un million qui arrondit ma fortune. J’achète un navire, je l’équipe, je le monte et je pars pour le Kamchatka.

— Vous êtes admirable, monsieur le vicomte, murmura la comtesse avec des transports de reconnaissance ; mais vous allez vous exposer vous-même à l’esclavage.

— En ce cas, votre mari aurait un gai compagnon d’infortunes ; toute la question est de le rejoindre. Une fois ensemble, nous ferions si bien, je vous le promets, que nous nous en tirerions. Je ne suis pas un écervelé, croyez-moi, chère comtesse, il ne faut jamais se fier aux apparences.

— Je sais, monsieur le vicomte, que vous avez un grand cœur.

— Du cœur ! très bien !… mais j’ai aussi ma forte dose de bon sens, n’en doutez pas. Je compose mon équipage de gaillards intrépides, d’hommes sûrs et dévoués autant que possible ; je m’approvisionne d’armes, de munitions et de costumes pour toutes les circonstances ; grâce à votre mari, je ne suis plus un novice en fait de navigation : j’aurai sous mes ordres trois ou quatre marins habiles et des interprètes de toutes les langues du Nord. Ayez donc confiance en moi,