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Page:La Nature, 1873.djvu/350

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LA NATURE.

tisme. Pixii a le premier résolu ce problème en construisant une machine qui est plus connue sous le nom de Clarke et qui a reçu une série de perfectionnements de MM. Wilde, Siemens, Wheatstone et Ladd. Tous ces appareils, fondés sur le même principe, produisent des courants alternativement de sens contraire, de sorte que pour beaucoup d’usages on est obligé de pourvoir la machine d’un redresseur ou commutateur ; cet organe est sujet à s’user rapidement par les étincelles qui s’y produisent inévitablement et ces étincelles même font perdre une quantité notable de l’électricité produite.

Beaucoup de physiciens cherchaient un moyen de produire des courants d’induction continus, et ce problème est encore à l’ordre du jour ; mais M. Gramme en a trouvé une solution éminemment pratique, fondée sur un artifice très-remarquable. Son appareil se compose d’un électro-aimant de forme particulière, mobile entre les pôles d’un aimant ou d’un électro-aimant. L’électro-aimant mobile présente l’aspect d’un anneau tournant autour de son centre et dans son plan. On peut lui donner le nom d’électro-aimant sans fin, car le noyau est un anneau de fer sans solution de continuité et le fil qui est enroulé sur ce noyau ne présente non plus aucune solution de continuité. On peut le concevoir comme formé par un électro-aimant droit, qu’on aurait courbé en cercle, et qu’on aurait soudé par les extrémités, fer contre fer, et fil avec fil. On sait que certains électro-aimants droits (notamment ceux des bobines d’induction) sont formés de bobines distinctes placées les unes au bout des autres en chaîne, c’est-à-dire en tension ; c’est aussi de cette façon qu’est distribué le fil sur l’anneau de Gramme.

Pour comprendre l’action de la machine, il faut se reporter à l’expérience la plus simple qu’on puisse faire sur l’induction, mais il faut l’analyser complètement.

Considérons un barreau aimanté A B d’un mètre de long, et une spire de fil conducteur, en mouvement réciproque ; si on approche la spire du barreau, il s’y développe un courant d’induction, c’est là le gros du phénomène que nous allons examiner en détail. Si on fait entrer le barreau dans la spire par une série de mouvements successifs d’égale étendue (5 centimètres par exemple), on observe qu’à chacun de ces mouvements correspond un courant d’induction et que ces courants sont de même sens jusqu’au moment où la spire arrive en face de la ligne neutre et qu’ils sont de sens opposé, si le mouvement continue dans le même sens au delà de la partie neutre ou point milieu.

Ainsi, dans le parcours entier de la spire sur l’aimant, on distingue deux périodes tranchées ; dans la première moitié du mouvement, les courants sont de sens direct ; dans la seconde, ils sont de sens inverse. Or que se passe-t-il dans la machine Gramme ? l’anneau de fer est aimanté par l’influence de l’aimant et le magnétisme s’y trouve distribué de la manière suivante : en B et A (fig. 1) sont des pôles, tandis que dans les points à angle droit M, M’, il y a des parties neutres ; pendant le mouvement de l’anneau, cette distribution du magnétisme ne change pas, ou du moins elle ne change pas dans l’espace, par cette raison même qu’elle change instantanément dans le fer, qui est sans force coercitive.

Tout se passe donc comme si le fer était immobile et si les spires de fil seules se mouvaient sur un barreau aimanté. Si l’on poursuit cette analyse, on voit que, dans chacune des bobines de l’anneau de Gramme considérée isolément, il se développe un courant qui, partant d’un des pôles A, conserve le sens direct jusqu’à la ligne neutre M’, prend le sens inverse de M jusqu’au pôle B, garde le sens inverse de B à la ligne neutre M’ et reprend le sens direct de M’ au pôle A. En d’autres termes, le courant qui prend naissance dans une bobine reste le même d’un point neutre à l’autre ; si son sens est direct au-dessus de cette ligne, il est inverse au-dessous.

Dès lors nous voyons que les 15 bobines qui, à un moment donné, sont dans le demi-cercle supérieur, sont toutes à la fois parcourues par des courants de sens positif qui s’ajoutent en tension ; les 15 bobines qui sont dans la moitié inférieure sont également le siège de courants tous de sens inverse, associés en tension ; le courant total d’en haut est exactement équilibré par le courant total d’en bas, et l’ensemble de la machine est tout à fait comparable au système de deux piles de 15 éléments chacune, associées en opposition ; quand on veut utiliser un système semblable, on n’a qu’à mettre les deux extrémités d’un circuit en communication avec les pôles opposés communs des deux piles ; dès lors les courants des deux piles ne sont plus en opposition : ils sont associés en quantité.

C’est aussi de cette façon qu’il faut recueillir les courants développés dans l’anneau de Gramme ; il faut établir les collecteurs sur la ligne des points neutres ; ces collecteurs sont formés de pinceaux métalliques ou balais qui frottent sur la série de pièces métalliques R (fig. 4) liées métalliquement avec les points de jonction des bobines.

Cette disposition étant tout à fait nouvelle, il importe de s’y arrêter un instant, pour la faire bien comprendre.

La figure 1 montre assez clairement les différentes bobines ou éléments de l’anneau, et les pièces rayonnantes R, isolées les unes des autres et rattachées chacune au bout sortant d’une bobine et au bout entrant de la voisine. On voit donc que les courants seront recueillis sur les pièces R comme ils le seraient sur la soudure même d’une bobine à l’autre.

La figure 2 montre encore les pièces rayonnantes R de la même façon ; l’appareil y est vu par derrière. La figure 3, qui présente une coupe de l’anneau, montre que les pièces R sont recourbées à angle droit et que leur seconde partie, parallèle à l’axe, est logée à l’intérieur de l’anneau et le dépasse. La figure 4 enfin, qui représente la machine