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Page:La Revue blanche, t20, 1899.djvu/328

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simple expression. Elle consiste surtout en la perception de sommes qui, sous la forme d’impôts, amendes, patentes de dioulas, contributions diverses, sont destinées à faire, dans le chapitre des recettes, un contrepoids piteux à la colonne lourdement chargée des dépenses. Pour la mise en valeur d’un sol inculte et qui est, d’ailleurs, sauf la vallée du Niger et la région Sud productrice du caoutchouc, rebelle à toute culture, on n’a tenté de timides essais que pour fournir prétexte à des rapports négatifs. On ne stimule l’indigène que pour le confirmer dans ses instincts sauvages, dans ses passions ataviques, en lui faisant constamment entrevoir la perspective de faire colonne et de gagner captifs. Faire colonne, c’est également le désir de tous les officiers ; ainsi, ceux qui remplissent les fonctions d’administrateurs, qui devraient par conséquent faire œuvre de pacification, ont leur avantage dans la guerre. La guerre qui, par les esclaves, donne la fortune aux tirailleurs, leur assure en effet l’avancement et satisfait à leur vanité avide de réclame.

On s’est cru libéré des devoirs qu’impose la conscience des nations civilisées en fondant, dans les grands centres, des écoles pour les fils de chefs. Mieux comprises et plus soigneusement surveillées par les commandants de cercle, ces écoles pourraient rendre de réels services. Par elles, on devrait s’efforcer de faire entendre aux enfants indigènes non encore abêtis par les pratiques fétichistes, ou pas encore affiliés aux confréries musulmanes, quelques-unes de nos idées ; on devrait les convaincre que nous ne sommes pas seulement les plus forts et que nos meilleurs gris-gris, plus puissants que le télégraphe et le canon, sont quelques vertus intellectuelles et morales. Hélas ! voilà bien des choses que jamais oreilles de nègre n’entendirent au Soudan. C’est un fait assez curieux, d’ailleurs, que des hommes qui ont grandi dans le respect de certains principes en fassent si complètement abstraction dès qu’ils se trouvent dans un milieu de race inférieure. Pour eux la civilisation semble n’être qu’une contrainte imposée par les lois et que l’on s’excuse de subir en la décorant de pompeuses épithètes. Il n’est pas de commandant de cercle qui ne croie avoir rempli tout son devoir en ayant assuré la rentrée de l’impôt et maintenu les villages dans la crainte. Aussi les écoles sont-elles confiées à l’interprète, qui enseigne à ses élèves son langage petit-nègre, et à un sous-officier ou brigadier blanc, que rien ne préparait à une telle mission. Le résultat est que, sur tout le territoire du Soudan, les écoles de fils de chefs, fondées sans doute dans un excellent esprit, ne sont que des écoles de vice.

Au point de vue financier, l’administration pèche par la base. Les dépenses de la colonie, étant couvertes d’une part par la métropole, d’autre part par ses ressources propres, on a cru devoir scinder le budget en deux parties : budget colonial et budget local, qui nécessitent l’établissement à Kayes de deux services, avec un nombreux personnel de commissaires et de commis pour les ordonnancer, et l’installation, dans chaque poste, de deux magasins. La confusion