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Page:La Revue blanche, t28, 1902.djvu/527

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obtint ramena la tranquillité dans son âme. « L’affaire est dans le sac », aurait-il pu penser en regagnant sa place.

Les jours de composition en classe, le maître décide-t-il que seuls les élèves qui croient avoir compris la question qu’ils vont traiter feront le travail ? Non, car il n’a pas seulement pour but de rechercher quels sont ceux qui ont besoin d’être aidés ; il doit donner une note à chacun. L’élève qui est sûr d’avance de faire une composition exécrable doit se mettre à la besogne comme les autres. Dans le cas favorable où il ne jette pas des coups d’œil furtifs vers la feuille de son voisin, il essaie, en réunissant les pitoyables lambeaux de science restés dans sa mémoire, de faire croire à son professeur qu’il sait quelque chose. Entre deux notes très basses il choisit la moins mauvaise et pour l’obtenir il couvrira autant de lignes que possible de son galimatias malhonnête.

Lorsqu’un écolier est puni d’une mauvaise note pour ses réponses stupides, ceux parmi ses camarades qui n’auraient pas répondu mieux que lui, mais qui ont « la veine » de ne pas être interrogés ce jour-là, lèvent-ils la main pour apprendre au maître qu’ils méritent la même appréciation sévère ? Question candide ! Avoir de la veine ou ne pas en avoir : telle est la question qui pour les écoliers est capitale.

En résumé on fait très tôt comprendre à l’enfant qu’il a intérêt à cacher son ignorance. C’est l’engager à tromper ses maîtres. Trois fois sur quatre il n’hésite pas.

(À propos de tricherie je dois signaler la façon réjouissante dont les écoliers de tout âge préparent leurs examens. Le candidat doit être examiné par un jury compétent par définition, qui appréciera l’état de ses connaissances en termes décisifs. Or, grâce à un entraînement ad hoc auquel il se livre durant les semaines qui précèdent le jour de l’épreuve, il se présente devant ses examinateurs autre qu’il n’est. Un mois plus tard, le danger passé, il se retrouve dans son état normal, c’est-à-dire qu’il s’est débarrassé de toute l’inutile science dont il s’était orné l’esprit pour « réussir. » Or il est bien clair que si l’examen devait avoir une signification, s’il portait sur le savoir réel des candidats, sur les qualités durables de leur esprit, on ne le ferait pas subir à des jeunes gens qui, depuis deux ou trois mois, assez bien renseignés sur le total des questions qui pourraient leur être posées, se préparent à y répondre d’une manière brillante. En d’autres termes, les examens seraient très diffé-