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Page:La Revue blanche, t3, 1892.djvu/204

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tresse branche et s’y cramponne, chaque adolescent de la tribu vient à tour de rôle, secouer l’arbre énergiquement. De deux choses l’une : ou bien le vieillard est encore vert et résiste ; alors, c’est bon, on lui conserve la vie, les dignités sénatoriales et ce qui s’ensuit jusqu’à nouvelle expérience ; ou bien le vieillard est mûr ; ébranlé par les secousses, il tombe, se casse la tête sur le sol, et là est achevé par la jeune génération. Du moment que c’est dans les lois, personne n’y trouve à redire ; de la sorte, les sinécures changent souvent de titulaire, le peuple est content. Que ne transportons-nous ces coutumes chez nous, avec des formes, cela va de soi, car il ne faut pas oublier que nous sommes civilisés, au fond. J’ai déjà, pour ne pas perdre de temps, dressé une liste d’encombreurs que l’on pourrait soumettre à la question préalable signalée plus haut. Après sélection du conseil des Joseph Prudhommes qui nous gênent, on enverrait les plus marquants dans l’immortalité, c’est-à-dire dans le Prytanée où le choléra nous en libérerait.

Je n’insiste pas. Ainsi, le train des idées ne ralentirait plus aux stations ; nous pourrions enfin instaurer le Mécénisme d’État.



Tierce amélioration : mon petit système a l’avantage de supprimer les idées mystiques, mais là, complètement. L’expérience l’a prouvé : lors des grands cataclysmes, il s’élève des classes populaires ainsi que des classes dirigeantes un ridicule plébiscite vers le ciel. L’imprévu de la mort, diverses curieuses coïncidences, des décès justifiés et semblant des vengeances d’en-haut, la terreur d’une réprobation (chacun a ses peccadilles) tout cela suscite chez les simples la croyance au surnaturel, croyance, hélas ! des plus contagieuses. Les caprices du fléau leur paraissent imputables à une Providence divine que l’on pourrait fléchir par prières et actes expiatoires ; il s’ensuit une foule de démarches, telles que jubilés pittoresques, oraisons publiques, pèlerinages ; je les juge attentatoires au matérialisme qui est la religion des esprits pondérés et des