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Page:La Revue blanche, t3, 1892.djvu/205

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contribuables sans reproche. Si vous organisez le fléau, vous lui retirez l’apparence de mystérieux où se prennent tant de faibles idéalistes. Il devient institution, fléau municipal, entaché du terre-à-terre et du médiocre qui sont caractéristiques de notre administration. Laïcisons le mystère.

Je pense également que nos débats politiques se trouveront fort aplanis. L’opposition, il y aurait mauvaise grâce à le nier, préoccupe nos gouvernants et les empêche de vaquer à notre bonheur avec tout le soin que nous sommes en droit d’exiger d’eux. Nous aurons là une occasion unique de déblayer le terrain. Les représentants de l’aristocratie française iront d’eux-mêmes vers le champ clos de mort, pour peu qu’on leur rappelle la sortie héroïque de Saint-Louis, les pestes des croisades, Jaffa, etc. L’apocalyptique Cheval Pâle emportera vers le néant les restes de la glorieuse race. Et ne sera-ce pas une fin plus digne et plus somptueuse, en vérité, que l’ataxie, la démence et l’apoplexie qui liquident péniblement les héritiers des Preux.

J’esquisse à peine les principales réformes auxquelles l’épidémie réglementée donnera lieu. D’ailleurs, au bon moment, des initiatives surgiront, je n’en doute pas.

Quand le dernier invité aura passé le seuil du Palais, nous en déclarerons solennellement la fermeture. À grand renfort de désinfectants nous assainirons la place ; aux corps épars, nous creuserons une belle fosse commune ; puis nous mettrons au concours le projet d’un monument commémoratif, afin d’encourager les Arts. Des fêtes de charité, et des représentations de gala ramèneront l’entrain.

Franchement, est-ce que ça ne vaut pas la peine d’être tenté ?

Pierre Veber.