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Page:La Revue blanche, t30, 1903.djvu/173

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n’avions commis d’autre délit que celui d’être d’honnêtes travailleurs, cependant, malgré cela, nous fûmes condamnés, les uns à mort, les autres au bagne.

À qui objecterait que ces témoignages émanent uniquement des condamnés, il serait facile de répondre que l’accusation n’a produit contre eux aucun témoignage libre et désintéressé.

Les procès d’Arcos et des Quatre-Chemins furent analogues.

La place manque pour en indiquer les détails. Le premier entraîna deux condamnations au bagne, le second quatre condamnations à mort. Mais les ouvriers de Puerto de Santa Maria, en apprenant l’imminente exécution de leurs camarades, firent savoir à la bourgeoisie que des représailles seraient exercées. Celle-ci s’entremit aussitôt et obtint la grâce des quatre condamnés, c’est-à-dire la commutation de leur peine en celle des travaux forcés à perpétuité.

On voudrait refuser de croire à de pareils expédients. Malheureusement ces atrocités ne sont pas sans exemples. Il y a quelques années, au su de tout l’univers civilisé, des aveux analogues furent arrachés à des innocents, à Montjuich, par des tortures plus effroyables encore et plus raffinées. M. Tarrida del Marmol, dans cette revue même, en a le premier, je crois, fait l’écœurant tableau. Rétractés sitôt que cessait le supplice, ces aveux n’en ont pas moins conduits leurs auteurs sous les balles du peloton d’exécution.

Et quand on relit les débats de ce procès de Lyon qui se déroulait à l’époque de la Mano Negra, on aperçoit chez les magistrats et dans les commentaires de la presse bien pensante, un état d’esprit analogue à celui des juges espagnols. Les tortures préalables font défaut, il est vrai, nos lois, alors, ne permettaient au juge que l’instruction secrète. Mais n’était-il pas cousin de don Manuel Azcutia, le procureur de la République qui criait tragiquement aux accusés « Vous êtes de ceux qui voudraient combler le Rhin avec les cadavres des bourgeois pour rendre plus faciles vos coupables relations cosmopolites ! » Et toute la machination de don Tomas Monforte ne tient-elle pas en germe dans cette appréciation que donnait des débats le chroniqueur judiciaire du Figaro : « L’impression générale est que l’instruction a été déplorablement faite et que devant un jury beaucoup des prévenus seraient acquittés. Il y a quelque chose, mais le parquet n’a pas été assez malin pour trouver ce quelque chose. Il faut pour ces sortes de procès un gouvernement fort, autoritaire, respectable, qui représente l’ordre et qui ne soit pas composé d’anciens bohèmes enrichis aux frais des contribuables. » Il est impossible de donner