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Page:La Revue blanche, t30, 1903.djvu/174

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une formule plus nette de la cuisine des procès politiques, don Tomas Monforte, lui, fut assez malin pour trouver ce quelque chose. La phrase que je viens de citer est remarquable à d’autres points de vue. Albert Bataille qui l’écrivait il y a vingt ans, et les directeurs du Figaro d’alors, qui la laissaient passer, étaient des journalistes avisés et experts : conscients ou non de l’ironie énorme d’une pareille phrase, ironie digne de Flaubert ou de Villiers de l’Isle Adam, ils n’hésitèrent pas à la servir à leur clientèle. Je ne sais pas si le plus réactionnaire des journaux l’oserait aujourd’hui.


III


Actuellement, il existe dans les bagnes espagnols huit survivants des procès de la Mano Negra ; ce sont :

José-Léon Ortega, devenu fou à la suite des mauvais traitements qu’il subit à l’instruction, et envoyé à l’infirmerie du pénitencier de Puerto de Santa Maria ;

Agusto Martinez,

Antonio Valero, à la Gomera,

Salvador Moreno, à Alhucemas,

Cristobal Duran Gil,

Diego Maestre Morales,

Juan Prieto,

José Jimenez Doblado, tous les quatre à Ceuta.

C’est une femme, Mme Gustavo Soledad, qui de janvier à septembre 1902, dans plus de trente numéros du journal ouvrier Tierra y Libertad, publia leurs lettres, et tous les documents et témoignages qui pouvaient faire la lumière sur cette grande injustice. Elle poursuivit son effort au milieu du plus complet silence de la presse espagnole. C’est un bel exemple de persévérance dans l’effort individuel et isolé. Michelet l’aurait admiré, lui qui magnifia cette Mme Legros dont le patient et intrépide dévouement, après trois ans de lutte, arracha Latude à la Bastille. C’est un exemple aussi de la puissance de cet effort, car la campagne du Tierra y Libertad finit par éveiller l’attention de la presse révolutionnaire française et dès lors la question fut portée devant l’opinion par les Organes libéraux de tous les pays.

C’est le journal les Temps Nouveaux de Paris qui, le premier reproduisit tous les documents de Tierra y Libertad, suivis d’un article de M. Quillard. M. Clémenceau dans la Dépêche de Toulouse publia deux articles vibrants. M. de Pressensé, parla dans l’Aurore et M. Jaurès fit de même dans la Petite République, ce qui permit à un professionnel du patriotisme de déclarer qu’il n’exhu-