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Page:La Revue blanche, t30, 1903.djvu/428

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donnée équivaut à un certain travail ; pour savoir quel travail peut fournir une substance combustible il suffit donc de mesurer la quantité de chaleur qu’elle donne en brûlant, et ceux qui comparent l’homme à une machine doivent rêver quelquefois d’arriver à entretenir son fonctionnement (!) avec du pétrole ou du charbon !

Plaçons-nous à un point de vue plus biologique, et pour éviter les erreurs, prenons un exemple plus simple que celui de l’homme et des animaux supérieurs ; adressons-nous à un être unicellulaire dont nous connaissions bien les conditions de vie, à la levure de bière si vous voulez. Une cellule de levure est un petit grain ovoïde qui a la propriété de faire fermenter le moût de bière et de le transformer en bière ; voilà, au point de vue de l’homme, qui utilise la bière, la fonction de la levure de bière. Mais si, au lieu de nous placer au point de vue de l’homme, nous nous plaçons au point de vue de la levure elle-même, nous envisageons les choses tout autrement et nous disons : Un grain de levure, placé dans du moût, se nourrit et se multiplie aux dépens des éléments de ce moût, de sorte qu’au bout de quelque temps, au lieu d’une seule cellule placée dans le moût, il s’en trouve une quantité considérable. C’est là le phénomène caractéristique de la vie : un grain de levure, par son activité chimique dans du moût, a fabriqué de la substance identique à la sienne et s’est, par suite multiplié. Je le répète, c’est là la propriété, caractéristique des êtres vivants : un être vivant, réagissant chimiquement avec des substances différentes de la sienne, fabrique de sa substance propre ; c’est ce qu’on appelle l’assimilation.

Les substances aux dépens desquelles une cellule donnée peut s’accroître ou se multiplier constituent ce qu’on appelle l’aliment de cette cellule. Ainsi, le moût de bière est l’aliment de la levure de bière.

Mais la réaction par laquelle la levure de bière se nourrit aux dépens du moût de bière, ne produit pas seulement de la levure ; il y a en outre formation de substances accessoires que l’on peut appeler substances de déchet, ou, pour se conformer au langage physiologique, substances excrémentitielles ; ces substances s’accumulent dans le moût de bière en même temps que la levure s’y multiplie et c’est ainsi que le moût devient bière.

Vous voyez à quoi se réduit, quand on s’exprime ainsi, la reconnaissance que l’homme doit à la levure ! Cet organisme infiniment petit n’en est pas moins infiniment égoïste ; il se nourrît et se multiplie aux dépens du moût que nous lui fournissons ; sans se préoccuper le moins du monde de nous être utile ; bien plus,