Page:La Revue blanche, t30, 1903.djvu/52

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répandre leurs idées. Galilée a fait acte de combat en proclamant que la terre tourne ; il a fait acte de combat puisqu’il a été battu…

— Il a été battu, mais la vérité a triomphé, répondit M. Tacaud. L’histoire de Galilée est même bien intéressante à ce point de vue. Il a établi un fait indiscutable ; il en a donné une démonstration scientifique qui a convaincu tous ceux qui ont bien voulu se donner la peine d’en prendre connaissance ; mais, malheureusement pour lui, la vérité qu’il établissait détruisait une erreur exploitée par un parti puissant. Ce n’est pas au nom de la vérité scientifique qu’on s’est battu, c’est au nom d’une erreur dont la dénonciation pouvait ruiner une autorité ; d’ailleurs, il y a eu mauvaise foi, c’est-à-dire que ceux qui ont condamné Galilée n’ont pu s’empêcher de se rendre à l’évidence de sa démonstration. Ils ont agi comme un homme à qui vous diriez devant témoin qu’il a un ulcère caché et qui vous tuerait en duel quoique sachant parfaitement que vous avez raison. Galilée s’est rétracté, mais la terre a continué de tourner et aujourd’hui personne ne doute plus ; il y a vérité scientifique impersonnelle.

» Voyez ce qui s’est passé dans les divers ordres de sciences : les découvertes de mathématiques pures, de physique ou de chimie, n’ont été contestées par personne ; elles ne heurtaient aucune idée préconçue, aucun pouvoir établi ; la loi de Mariotte n’était pas contraire au Dogme ; à la rigueur, l’explication de l’arc-en-ciel par la réflexion totale et la réfraction dans les gouttes de pluie aurait pu déplaire à ceux qui enseignent que Dieu à placé son arc dans les nues en signe de paix ; mais c’était par trop enfantin et on a préféré ne pas faire remarquer à ce sujet l’absurdité des livres saints. Un candidat m’a cependant répondu au baccalauréat que la foudre est l’expression de la colère de Dieu ; ce sont là des faits isolés ; les résultats des physiciens ne sont pas discutés ; ils ne gênent pas et, surtout, leur évidence est trop grande !

» Pour l’astronomie on a renoncé aussi à arrêter l’essor des découvertes ; il n’y a pas jusqu’à la géologie dont on n’ait fini par accepter les données, grâce à un petit tour d’escamotage que vous connaissez. Restent les sciences biologiques qui poursuivent leur développement malgré l’anathème ; et elles iront jusqu’au bout, quoi qu’on fasse pour dénaturer la portée de leurs conquêtes. Oh ! celles-là pataugent comme à plaisir à travers le dogme ! Aussi voyez comme on déteste les biologistes ! Les noms de Lamarck, Darwin, Hæckel, Huxley, Spencer sont cloués au pilori ; ils sont sortis, dit-on, du domaine serein de la science pour