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Page:La Revue blanche, t30, 1903.djvu/565

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ignorons nous mêmes encore et néanmoins il finit par être complètement satisfait parce qu’il avait résolu le problème qu’il s’était posé, et était arrivé à’une certitude. S’il s’était endormi sur son hypothèse de la pluie miraculeuse de poissons, il n’aurait pas eu la joie de découvrir ensuite, par induction, que les hommes prennent les sardines avec des filets. Mais il n’eut pas pour cela la prétention de savoir le fond des choses ; nous ne l’aurons pas davantage et si nous démontrons que tel phénomène vital est de la nature des phénomènes chimiques, nous ne croirons, pas néanmoins avoir pénétré dans l’intimité des phénomènes chimiques ; il nous suffira d’avoir caractérisé ces phénomènes de manière à savoir les reconnaître partout et toujours…

Introduisons une cellule de levure de bière dans du moût oxygéné, en vase clos ; un peu plus tard, nous trouverons dans le même vase trente-deux cellules de levure et l’analyse chimique nous prouvera que certains éléments ont disparu du moût tandis que, outre les trente et une cellules additionnelles de levure, des substances étrangères y ont apparu. Puisque le vase est clos, un chimiste affirmera sans craindre de se tromper, que les substances nouvelles quelles qu’elles soient, ont été formées des éléments des substances disparues. L’activité d’une cellule de levure de bière en présence de certaines substances (les substances disparues) a fabriqué trente et une cellules de levure et en outre certains produits nouveaux. On dira que la levure a assimilé, transformé en substance semblable à la sienne, des substances différentes contenues dans le moût.

Et si l’on jette un coup d’œil sur l’ensemble des cellules vivantes, on remarquera qu’on les appelle précisément vivantes quand elles se montrent capables, dans certaines conditions, d’assimiler, de transformer en substance semblable à la leur, des substances différentes contenues dans le milieu ; et l’on définira la vie cellulaire par l’assimilation.

Saura-t-on pour cela quelle est l’essence du phénomène d’assimilation ? Évidemment non ; ce sera là une formule globale [1] comme celle dont se servait le chien observateur du port breton : « les bateaux partent avec le jusant et reviennent pleins de sardines » ; mais quand nous disons que l’hydrogène brûle dans l’oxygène en donnant de l’eau, connaissons-nous davantage l’essence du phénomène de la combustion ? Et cependant personne

  1. J’emploie cette expression « globale » à défaut d’une meilleure pour indiquer que les phénomènes sont racontés dans leur totalité sans aucun essai d’analyse ou d’interprétation des activités intermédiaires qui prennent place entre le début et la fin du phénomène.