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Page:La Vrille - Le journal d’une masseuse, 1906.djvu/112

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LE JOURNAL D’UNE MASSEUSE

au sortir du presbytère ; cela m’aurait écœurée, et je me serais enfuie ou bien j’aurais bu du poison. Et maintenant, cela ne me fait rien ; au contraire, je me sens heureuse de cet étourdissement, de ce plongeon dans le vice et la rigolade déboutonnée. Quand je vois Cécilia disparaître dans sa chambre avec un amant, j’en viens à m’étonner de coucher seule. Bah, mon tour viendra aussi… Est-ce que je ne suis pas un peu là pour ça !

J’ai un amant. Il est grand et blond, avec une petite moustache en croc et un air canaille. Je ne l’aime pas et cependant je n’éprouve aucune répulsion ; ses caresses ne me causent ni plaisir ni dégoût et quand il me tient dans ses bras, je pense à tout autre chose ; je ne sais même pas si je pense. Au moment psychologique, je couvre mes seins avec mes mains, pour qu’il ne me morde pas. Lui, satisfait et repu, procède ensuite à sa toilette sans même s’occuper de moi ; puis il s’en va après m’avoir effleuré la joue d’un baiser froid. Et c’est tout. On devrait en pleurer si ce n’était risible, et je ris.

Lui s’appelle Lucien… comme le cocher de