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LE JOURNAL D’UNE MASSEUSE

malade est toujours là ; puis un beau soir, il ne vous reconnaît plus… il est inerte, il semble plongé dans un rêve, et voilà qu’il passe, tout seul, sans rien dire, comme s’il voulait taire le secret du départ final… On l’emporte. Un autre prend sa place dans le lit, vide un instant, et c’est fini… Encore un cadavre à l’amphithéâtre…

Mais il n’en est pas toujours ainsi, et dans certains cas, c’est avec soulagement qu’on voit la mort apaiser les traits crispés d’un visage de souffrant, et détendre des membres contractés par la douloureuse agonie…

J’ai un ami, le no 24… C’est un ingénieur, M. Charles, qui est dans le service depuis bien des mois… Il est paralysé de tout le côté gauche. Il est bien gentil, M. Charles, toujours content, toujours souriant, sans jamais une plainte ou un reproche…

Il m’a accordé sa confiance et c’est moi qui prépare sa petite cuisine de malade ; autrement dit, j’ai l’honneur de ranger les innombrables boîtes et paquets qui arrivent constamment pour lui. Car on vient beaucoup le voir, M. Charles ; il a des amis à n’en plus finir et chacun apporte quelque chose… des biscuits,