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Page:La Vrille - Le journal d’une masseuse, 1906.djvu/192

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LE JOURNAL D’UNE MASSEUSE

De quel droit les uns ont-ils trop et les autres rien ?

A-t-il plus le droit de vivre, celui-là qui pète dans sa graisse, qui s’étale lourdement sur son bien-être, que celui-ci qui crève de besoin au coin d’une borne ?…

Il me semble que je deviens une révoltée, moi aussi. C’est vrai, pourtant, cette monstrueuse inégalité… Et c’est là, à l’hôpital, qu’on voit, qu’on se rend compte qu’il y a trop d’injustice, trop de disproportion.

Entre eux, les pauvres vieux, ils parlent de chambardement, de révolution sociale, d’anarchie et en les écoutant, je me surprends à approuver du menton leurs haines terribles contre cette société dont ils font partie et qui ne veut pas d’eux.

Il y en a un, le père Plumeau, un tout petit vieux ratatiné et malingre, qui est terrible. Sitôt que la surveillante quitte la salle pour un instant, il se dresse sur son lit et se met à chanter d’une voix enrouée, en appuyant sur les mots :

Si tu veux être heureux, nom de Dieu,
Pends ton propriétaire…