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Page:La Vrille - Le journal d’une masseuse, 1906.djvu/212

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LE JOURNAL D’UNE MASSEUSE

veut un peu, bien qu’il ne dise rien. Et cela me fait une telle peine. Moi qui l’aime tant, mon Georges, et qui voudrait qu’il fût heureux, et qu’il devienne un grand savant entouré de respect et d’honneur… Il porte des vêtements râpés ; il n’a même pas de chapeau de paille et plus d’argent de poche pour ses cigarettes.

S’il allait se détacher de moi, me quitter, m’abandonner ! Oh, rien qu’à cette idée, je me sens capable de tout faire, oui tout, me vendre, voler, tuer, pour garder mon petit, mon trésor…

Aujourd’hui, Georges a voulu faire quelque chose, pour augmenter nos ressources ; il a emprunté une canne de pêche à un ami, et il s’en est allé sur les quais, pour pêcher. Il affirmait rapporter une bonne friture.

Restée seule, je me suis ennuyée à la maison, et de voir la misère de notre logis qui se vide peu à peu, je me suis sentie une telle détresse à l’âme que je n’ai pu y tenir. Le soleil chauffait dur, au dehors, et je suis sortie, je suis allée au Luxembourg, sous l’ombre des grands marronniers. Il y avait une foule, beaucoup d’étrangers, un tas d’étudiants trop pauvres