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Page:La Vrille - Le journal d’une masseuse, 1906.djvu/215

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LE JOURNAL D’UNE MASSEUSE

— Tu sais, on m’avait recollé ma quille et j’me suis cavalée dès que j’ai pu. C’est trop triste, ça schlingue trop dans c’te caserne d’hôpital. Alors, j’suis revenue au bar, et même que j’ai bien travaillé, parole d’honneur… J’faisais mes quatre thunes tous les jours. Pi, v’là un soir, après la Saint-Sylvestre, j’tombe dans une rafle et on m’embarque pour Saint-Lago… Alors, j’y reste six semaines, malgré que j’avais rien du tout, pas le moindre bobo… C’que j’m’a emmerdée, tu parles ; y fallait turbiner tout le temps et pas moyen d’avoir du perlot ou des sèches. Non, j’m’en suis-ti arraché des cheveux blancs ! Après, on m’a relâchée et naturellement, j’suis revenue au bar et j’ai recommencé à travailler, mais ça m’avait porté la guigne et j’ai rien foutu pendant quinze jours au moins ; puis, v’la l’printemps qui s’a amené et alors, ça a biché tout de même… Les hommes, c’est comme les chats ; faut profiter du moment, pas vrai.

À présent, ça va doucement, mais ça va quand même ; et puis, tu sais, moi, j’suis pas bileuse. Quand j’ai la thune, j’bouffe, et quand j’en ai pu, j’serre mon corset… Oh, pas aujourd’hui, pour sûr… y fait bien trop chaud.