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Page:La Vrille - Le journal d’une masseuse, 1906.djvu/239

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LE JOURNAL D’UNE MASSEUSE

Mais il y a le vieux ! Et puis, sans Georges, comment puis-je vivre ? C’est une énigme. Que fait-il, que devient-il, le pauvre petit ? Ah ! s’il savait combien je l’aime encore, malgré son mépris, s’il savait que je ne pense qu’à lui, que seul son souvenir me permet de subir la vie…

Je recommence à faire la noce. Je suis tellement meurtrie et brisée moralement qu’il me faut des diversions et je trouve du soulagement à me vautrer dans la vie à outrance… Tous les soirs, maintenant, je suis de quelque partie… on soupe, on boit, on fait du boucan avec un tas de poires et des filles. Moi, je fais plus de bruit que les autres, je casse les verres, je danse sur les tables au grand effroi des garçons et je bois, je bois… Je suis saoule dès minuit. On me rapporte ivre, titubante, à la maison. Le matin, j’ai la pituite, la gueule de bois, les cheveux en marmelade, et je dors, assommée, sans rêver. Ah ! c’est bon de ne plus penser, de ne plus se souvenir, d’être comme morte…

Le colonel est surmené. Je l’achève, tout simplement. Il n’en peut plus, mais, toujours