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Page:La Vrille - Le journal d’une masseuse, 1906.djvu/246

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LE JOURNAL D’UNE MASSEUSE

les têtes à gifles des poires habituelles, d’autres paysages que les dorures criardes et les velours fanés des cabinets particuliers…

Et puis, la mer ! Ah ! comme j’allais me plonger dans l’eau salée, pour me nettoyer l’âme. Quelles douches j’allais prendre pour ôter de mes cheveux l’odeur des cigares, de mes joues, la trace des baisers, de mes lèvres, le goût des alcools…

Et patatra ! Il était dit que ça croulerait. On aurait voulu le faire exprès qu’on n’aurait pas mieux réussi.

La veille de notre départ, le colonel voulut donner une fête sensationnelle à ses amis du cercle. Il commanda un souper fin et fit venir une douzaine d’ex-chahuteuses qui devaient exécuter des danses fantaisistes dans les costumes les plus sommaires.

À minuit, tout le monde était déjà fortement éméché et la fête était à peine commencée. Ce qu’on mangea, ce qu’on but, c’est effrayant. Tous ces hommes, des vieux, d’anciens officiers pour la plupart, s’envoyaient du champagne et des liqueurs comme de simples verres d’eau. On faisait un sabbat infernal.

Le petit duc Henry de L… tenait le piano,