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Page:La Vrille - Le journal d’une masseuse, 1906.djvu/247

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LE JOURNAL D’UNE MASSEUSE

pendant que les filles dansaient, et c’était un enchevêtrement de chairs presque nues, de nichons secoués, de croupes bondissantes, dans l’envol des chevelures dénouées…

Tout à coup, le colonel se souleva d’un geste brusque et fit quelques pas en chancelant, les mains étendues, les doigts crispés. Puis il s’abattit face contre terre et demeura inerte.

On s’était précipité ; les filles, prises de peur, criaient ; les hommes juraient. On porta le colonel sur un sopha et l’un des convives, une espèce de médecin, le déshabilla aussitôt. Mais c’était fini ; le colonel était mort, foudroyé par l’apoplexie.

La soirée s’acheva en défilé funèbre. Toute la nuit, je demeurai auprès du cadavre, sanglotante. Ah ! certes, je ne l’aimais pas, ce soudard qui gisait là, dans l’éternel sommeil ; je ne l’avais jamais aimé, bien sûr et cependant, j’éprouvais un immense chagrin. Le seul être qui ne fût pas indifférent à mon existence venait de passer et de nouveau, j’étais seule, abandonnée.

Deux jours après, on l’enterra. Les funérailles furent magnifiques ; la troupe rendit