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Page:La Vrille - Le journal d’une masseuse, 1906.djvu/253

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LE JOURNAL D’UNE MASSEUSE

fendu de me lever et je m’ennuie ; il fait beau dehors ; le soleil chauffe et je serais si bien, sous le sapin. Mais Mme Vaudroz est là, tel Cerbère à la porte de l’Érèbe ; elle a pour consigne de me soigner et il faut qu’elle me soigne. Avec ses grosses mains ridées et crevassées, elle peigne mes cheveux ; quelquefois elle tire un peu fort, sans le vouloir… Puis, elle me fait boire du tilleul et elle prépare la viande de mouton crue, le bouillon, les œufs, le lait… Tout cela m’écœure. Je ne peux pas manger. Mais j’ai soif, sans cesse. Je boirais dix litres de tisane si elle me les donnait…

Je n’ai pas de nouvelles de Paris. Personne ne m’écrit ; personne ne pense à moi. Il y a bien Louisa qui m’envoie de temps en temps une carte postale illustrée, toujours le même sujet : une femme nue tenant des fleurs et levant vers le ciel jaune des yeux de carpe en chaleur ! Mais cette simple carte me fait du bien quand même. Louisa se souvient encore entre deux saouleries…

Le temps est gris… Il fait un peu froid. Des brouillards habillent les montagnes. Comme le ciel est triste !