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Page:Laberge - Visages de la vie et de la mort, 1936.djvu/100

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VISAGES DE LA VIE ET DE LA MORT

temps, fit mère Ste Augustine et soyez certaine que je vais prier pour que vous trouviez votre vocation. Agitée par ces adieux et par ces pensées graves, Mariette vêtue d’une robe noire avec un ruban bleu et une médaille de la Vierge au cou, sortit du couvent portant enroulé sous son bras le diplôme qu’elle avait obtenu, les livres qu’elle avait gagnés en prix, et elle s’en alla vers la demeure paternelle, à cinq minutes de là, de l’autre côté de la rivière.

Ce lui fut une joie plus forte que les autres jours lorsqu’elle aperçut sa mère coiffée d’un large chapeau de paille travaillant dans le jardin de fleurs devant la vieille maison en pierres des champs construite par son grand-père et derrière laquelle se trouvait un grand verger de pommiers. Elle la laisserait peut-être un jour cette mère pour se faire religieuse et serait alors longtemps sans la voir, mais aujourd’hui, du moins, elles étaient réunies toutes les deux. Mariette poussa la barrière à claire-voie et, passant à côté des œillets déjà fleuris, se dirigea vers sa mère qui la voyant venir, se redressa et l’attendit tenant à la main le sarcloir avec lequel elle arrachait les mauvaises herbes dans les corbeilles. Souriante, Mariette, lui montra son diplôme, la grande feuille avec un sceau doré, portant son nom écrit en caractères gothiques et au bas, la signature de mère Ste Augustine. La vieille femme laissa échapper son sarcloir et Mariette lui mit entre les mains les gros volumes à couverture rouge et à tranches dorées. Toutefois, ni à ce moment ni le soir, elle ne parla de la suggestion que mère Ste Augustine lui avait faite. Il serait toujours temps pour cela. Mariette parlait peu et les choses les plus graves, les plus importantes, elle les ruminait en elle-même, et ne les communiquait à personne. D’ailleurs, elle ne savait nulle-