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Page:Laberge - Visages de la vie et de la mort, 1936.djvu/101

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VISAGES DE LA VIE ET DE LA MORT

ment ce qu’elle ferait et elle voulait penser en paix, sans troubler ni inquiéter personne, avant de prendre une décision.

Lorsque son père, Damien Dupras, menuisier de son métier, arriva le soir, il lui dit que maintenant qu’elle avait fini son cours et qu’elle était libre, elle aurait probablement la chance de trouver une place au bureau de poste et de se faire ainsi quelqu’argent. Mais Mariette voulait avoir du temps pour songer à son avenir.

Un dimanche midi, à quelques semaines de là, le fermier Octave Martel, de Ste-Philomène, accompagné de son fils Robert, beau grand garçon brun de vingt et un ans, à figure sympathique, arrêta chez le menuisier Dupras et lui demanda s’il ne lui construirait pas une grange. Robert vit Mariette et tout de suite, il fut charmé, conquis. Cette fille mince aux cheveux châtains soigneusement lissés sur les tempes, à la figure douce, délicate, aux yeux noirs, lumineux, qui semblaient pleins d’émotion, lui plaisait infiniment. Pendant que les parents parlaient de la grange à construire et discutaient des plans, des matériaux et du prix, le jeune homme et Mariette causaient de choses indifférentes, mais déjà, Robert éprouvait le plus vif sentiment qu’il eût connu. L’image de Mariette était entrée en lui et c’était une image de joie, de bonheur. Les parents avaient fini par s’entendre au sujet de la grange et le fils Martel, même dès cette première entrevue n’aurait pas demandé mieux que de conclure lui aussi avec Mariette un pacte qui les eut joints pour la vie. Au bout d’une heure, Robert Martel, précédé de son père, sortit de cette maison où, en était-il certain, il avait rencontré sa destinée.

Le menuisier Dupras construisait la grange des Martel à Ste-Philomène. Et chaque samedi soir, la semaine de