Aller au contenu

Page:Labriolle - La Réaction païenne, 1934.djvu/105

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

même des livres sacrés. Si Peregrinus s’y fût risqué, ce n’eût pas été pour lui une recommandation auprès de ses nouveaux coreligionnaires, fort chatouilleux sur ce chapitre, en dehors des sectes dissidentes. — Il prétend que les chrétiens appelaient Peregrinus « le nouveau Socrate » et cela encore est une fausse note. Certes, les témoignages chrétiens d’admiration à l’égard de Socrate ne manquent pas, au second siècle. Saint Justin, au chapitre x de sa seconde Apologie, n’allait-il pas jusqu’à instituer un parallèle (souvent réédité depuis) entre Socrate et le Christ, victimes l’un et l’autre de leur apostolat bienfaisant[1] ? Justin n’oublie pas toutefois de formuler des réserves, auxquelles s’associèrent les écrivains grecs chrétiens les plus favorables au philosophe, qui ne manquaient guère de laisser entendre que cette vie si noble n’avait pas été exempte de faiblesses et de contradictions. Quant aux écrivains latins (Minucius Felix, Tertullien), ils traitèrent Socrate sans aucune aménité. Plus dangereux encore qu’honorifique, le titre de « nouveau Socrate » eût donc éveillé des suspicions dans les milieux chrétiens. — Enfin Lucien en vient à dire que les chrétiens regardaient Peregrinus, non pas seulement comme un chef et comme un guide, ce qui eût été naturel, vu la dextérité du fourbe, mais comme un Dieu. Ici le contresens est manifeste. Une déification de cette sorte eût paru un attentat sacrilège à l’article fondamental de leur Credo.

Étant donnée la virulence habituelle de ses critiques, on ne peut trouver Lucien que fort modéré sur le compte des

  1. Cf. Harnack, Socrates und die alte Kirche, dans Reden und Aufsaetze, Giessen, I (1906), p. 17-49 ; J. Geffcken, Sokrates und das alte Christentum, Vortrag, Heidelberg, 1908. Voyez encore Archiv. f. Religionswiss. VI, 280 et s., et l’édition de la Profession de foi du Vicaire Savoyard, de J.-J. Rousseau, par Pierre-Maurice Masson, p. 405.