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Page:Labriolle - La Réaction païenne, 1934.djvu/106

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chrétiens. Il ne les accuse d’aucun crime, d’aucune turpitude. Il ne leur reproche même pas de mettre leur conduite en contradiction avec les principes qu’ils arborent (c’est le principal grief dont il poursuit les philosophes), puisqu’ils chassent Peregrinus dès que celui-ci a sottement décelé sa fourberie. — Mais cette complaisance apparente ne doit pas faire prendre le change sur les sentiments qu’il éprouve à leur égard. Il les tient, non pas pour de méchantes gens, mais pour des naïfs, pour des nigauds, dont la crédulité mérite un sourire. Ne se laissent-ils pas gagner comme des enfants par les mines hypocrites et les initiatives impudentes de Peregrinus ? Ils le nourrissent, l’entretiennent, le gavent et l’enrichissent. Ils sont une proie désignée pour les imposteurs qui les grugent et se moquent d’eux. Et ils portent dans leurs convictions religieuses la même candeur : ils acceptent les doctrines du « sophiste crucifié » avec une foi sans critique, (ἄνευ τινὸς ἀκριβοῦς πίστεως) et les déifications ne leur coûtent guère !

Après la déconvenue dont sa faiblesse gourmande a été pour lui l’occasion, Peregrinus part pour l’Égypte. Il s’y fait « cynique » à son tour, et cynique du genre éhonté. Il s’embarque pour l’Italie, déclame publiquement contre l’Empereur, lequel dédaigne de le châtier comme il le mérite. Expulsé d’Italie par l’autorité administrative, Peregrinus revient en Grèce, essaie de fomenter un soulèvement contre Rome, et voyant que ses perpétuelles intrigues commencent à lasser bien des gens, il songe à ranimer par un coup d’éclat sa popularité languissante, en couronnant sa carrière abominable par un suicide à grand spectacle.

Le récit de la fin atroce et prestigieuse à laquelle son