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Page:Labriolle - La Réaction païenne, 1934.djvu/107

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incoercible vanité l’accule est un des meilleurs morceaux de Lucien. Il assiste de sa personne à cette « vaporisation », comme il dit, et il raconte le bon sang qu’il s’est fait, la panique secrète de Peregrinus, ses atermoiements, sa résolution désespérée, toute la mise en scène de cette mort pseudo-héroïque. Mais il veut que l’anecdote qu’il raconte ait un sens et achemine à une conclusion. Elle lui sert à montrer une fois de plus que le vulgaire accepte tout, croit tout, rassasie follement son appétit de merveilleux. Et, avec son goût de mystification, Lucien s’ingénie à fournir un aliment à cette avidité déraisonnable. Il joue au bon apôtre, et suit en se frottant les mains le développement, le pullulement prévu des faussetés qu’il a forgées et lancées lui-même.

Les textes que fournit l’opuscule intitulé Alexandre sont moins significatifs. Il s’agit de cet Alexandre d’Abonotique, autre contemporain de Lucien, qui sut conquérir dans toute l’Asie une réputation extraordinaire en se donnant comme un thaumaturge, et en fondant même un nouveau culte. Lucien avait eu avec lui des démêlés personnels, et le tenait pour un hypocrite et un scélérat. Il écrit son pamphlet pour stigmatiser l’imposture de cet Alexandre et la déraison de ses fidèles ; pour venger Épicure à qui Alexandre en voulait spécialement, car, prémunis contre toute superstition, les disciples d’Épicure se refusaient à ses supercheries ; enfin pour se venger lui-même.

Les chrétiens se trouvent mêlés à deux épisodes, d’une façon qui n’a en somme pour eux rien que d’honorable. Car Lucien ne saurait leur en vouloir de s’être fait redouter d’Alexandre, et de se moquer de ses prétendus oracles, tout comme les disciples du philosophe « dont l’œil perçant