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Page:Labriolle - La Réaction païenne, 1934.djvu/128

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VI

Quoiqu’il fût fort loin de s’être formé des Écritures et de la vie chrétienne une idée aussi approfondie que celle qu’un Porphyre, un siècle plus tard, saura se composer dans une intention pareillement hostile, Celse était en mesure de tirer de ses renseignements les éléments d’une critique parfois redoutable.

Ce qui ne pouvait manquer toutefois d’en affaiblir quelque peu la portée — et ce qui décèle le plus sûrement pour nous les lacunes et les incertitudes de sa pensée — ce sont, d’une part, ses graves méprises sur l’esprit de la religion chrétienne, d’autre part les contradictions choquantes où son prétendu rationalisme se jette en maint endroit.

Examinons chacun de ces points.

La conception que Celse s’est faite de la personne de Jésus est aussi injurieuse que peu nuancée. Jésus « n’était qu’un homme, un homme tel que la vérité même le manifeste et que la raison le démontre[1] » et c’est sur des jongleries de magicien qu’il avait réussi à fonder son autorité. Les prétendus miracles de ce γόης ne sont pas plus surprenants, à tout prendre, que les tours de passe-passe dont les magiciens d’Égypte donnent, pour quelques oboles, le divertissement. Qui songerait pourtant à leur décerner le titre de « fils de Dieu[2] » ? Les chrétiens croient adorer un être divin, ils adorent un mort[3]. — Ailleurs, Celse traite Jésus

  1. II, 79.
  2. I, 68 : υἱοὸν εἶναι Θεοῦ. L’expression ὁ τοῦ Θεοῦ παῖς apparaît souvent chez Celse. Il emploie très rarement ὁ σωτήρ (II, 9 ; III, 1) et une seule fois, dans une citation, le tour ὁ ὑιὸς τοῦ ἀνθρώπου, le Fils de l’homme.
  3. VII, 68 ; cf. III, 41 et 43.